Parce qu’ils sont de couleur verte, les pare-chocs des autobus scolaires alimentés au propane enfreignent la réglementation québécoise.

La Fédération des transporteurs par autobus se dit inondée d’appels de ses membres, en panique, un peu partout en province. Des contrôleurs routiers de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) ont intercepté des autobus scolaires qui fonctionnent au propane afin qu’ils soient retirés de la circulation ou qu’on change la couleur du pare-chocs.

On compte environ 800 autobus alimentés au propane à l’intérieur du parc de 10 650 véhicules scolaires du Québec. La majorité d’entre eux sont munis de pare-chocs verts qui, jusqu’à cette semaine, étaient tolérés sur le réseau routier, et ce, même si la Loi sur les transports exige qu’ils soient noirs.

“Le Règlement sur les véhicules routiers affectés au transport des élèves stipule que les pare-chocs doivent être noirs ou gris foncé, sauf ceux de l’autobus d’écoliers entièrement mû par l’électricité, qui doivent être bleus.”

Source : Loi sur les transports du Québec

Je croyais que c’était un poisson d’avril, avoue Félix Guévin, président du Groupe Guévin, un transporteur scolaire de Saint-Léonard-d’Aston, dans le Centre-du-Québec. Une des conductrices de son entreprise l’a contacté après avoir été arrêtée par un contrôleur routier. Elle conduisait un autobus au propane, muni d’un pare-chocs vert. Elle a dû être escortée jusqu’à un garage où le pare-chocs a dû être repeint en noir à l’aide une canette de peinture en aérosol.

C’est d’ailleurs ce à quoi s’affairent activement les employés du Groupe Guévin : repeindre le plus rapidement possible les pare-chocs des 20 des 80 autobus de son parc, alimentés au propane.

Enfants en otage

Félix Guévin sait que la peinture en aérosol est une mesure temporaire, car elle ne durera pas. Cependant, s’il veut éviter les ruptures de service, il n’a pas le choix de s’activer.

Les risques sont immenses parce que si nos véhicules sont arrêtés comme ça tous les jours, on n’aura pas assez d’autobus pour fournir. Il faut, le plus vite possible, changer nos pare-chocs.

C’est prendre un peu les enfants en otage, s’indigne Luc Lafrance, président de la Fédération des transporteurs par autobus. Au rythme où c’est allé, je suis inquiet de savoir s’il y aura suffisamment d’autobus pour ramener les enfants à la maison en fin de journée s’ils ne sont pas capables d’utiliser leurs véhicules.

M. Lafrance mentionne que certains de ses membres avaient déjà reçu des avis de non-conformité pour la couleur de leur pare-chocs, mais jamais les autobus n’avaient été retirés de la route.

Je comprends les règlements de la SAAQ pour ce qui touche à la sécurité, soutient Félix Guévin. Si une roue n’est pas réglementaire, s’il y a des soudures mal faites… je peux comprendre ça. Là, c’est vraiment la couleur d’un pare-chocs, donc, ça ne change en rien la sécurité du véhicule.

Il se tournera donc vers l’entreprise qui lui a vendu ses autobus : Girardin.

Des raisons de sécurité

Michel Labrie, directeur des ventes à Autobus Girardin, à Drummondville, reçoit lui aussi une pluie d’appels de ses clients.

On croit fermement que les pare-chocs de couleur verte sont un item de sécurité hyper important, autant que les pare-chocs de couleur bleue sur les véhicules électriques le sont.

Depuis quelques années, Girardin et d’autres acteurs du secteur demandent à Québec que la Loi sur les transports prévoit que les pare-chocs verts soient associés aux autobus au propane. L’été dernier, les pare-chocs bleus ont été officiellement autorisés pour les véhicules électriques. Cependant, le ministère des Transports n’a pas donné suite à la demande pour les pare-chocs verts.

Le but premier des couleurs distinctes, selon différents intervenants consultés, est d’identifier le type de carburant afin de faciliter l’intervention des premiers répondants lors d’accidents. Des manipulations ou des précautions précises s’imposent selon le type de carburant ou de propulsion des véhicules.

C’est vraiment une question de sécurité, d’autant plus que le Code de la sécurité routière est en refonte présentement, plaide Réjean Breton, président-directeur général de l’Association des professionnels du dépannage du Québec (APDQ). Il a participé à des tables de concertation avec la Société de l’assurance automobile du Québec  et le ministère des Transports pour tenter de faire valoir son point de vue, en vain.

On va continuer de faire le travail auprès du gouvernement pour s’assurer que les pare-chocs de couleur verte sont un item de sécurité important qui va être accepté, plaide Michel Labrie, de Girardin.

De son côté, le ministère des Transports n’a pas l’intention de changer la loi. « Les analyses du Ministère et de la Société de l’assurance automobile du Québec démontrent que l’installation de pare-chocs verts n’est pas une méthode d’identification reconnue et appliquée à l’échelle internationale ou nord-américaine pour identifier les véhicules lourds au propane », indique son porte-parole, Louis-André Bertrand.

Bond des achats d’autobus au propane

Les premiers véhicules alimentés au propane ont fait leur apparition au Québec il y a cinq ans. La plupart d’entre eux sont donc considérés en bon état par la Fédération des transporteurs par autobus. L’automne dernier, avant que l’obligation d’acheter des autobus électriques ne soit en vigueur, bon nombre de transporteurs en ont acheté.

Il n’y a pas eu d’opération de vérification des autobus au propane prévue par les gestionnaires et dirigeants de Contrôle routier Québec, indique la Société de l’assurance automobile du QuébecIl semble que ces interventions se sont faites dans le cadre de moyens de pression de la part du syndicat des contrôleurs routiers, ajoute Gino Desrosiers, coordonnateur des relations médias.

Quant au cabinet du ministre des Transports, personne n’était en mesure de répondre à nos questions en soirée, mercredi.

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