L’avocate Me Marie-Christine Dufour a écrit un excellent article sur les obligations de l’employeur en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail dans la revue annuelle du Cercle des représentants de la défense des policiers (CRDP).
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Nous représentons la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (la « Fraternité ») relativement à plusieurs contestations devant le Tribunal administratif du travail (TAT), intentées entre 2019 et 2022, aux fins d’obtenir le respect de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) par leur employeur, Contrôle routier Québec-SAAQ, un organisme relevant du ministère des Transports. Cette disposition d’ordre public lie le gouvernement. Celle-ci lui impose, à titre d’employeur, de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur. L’employeur doit notamment s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur. Il doit également s’assurer d’utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur, fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état, informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l’entraînement et la supervision appropriés afin qu’il ait l’habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire son travail.
Les contrôleurs routiers sont des agents de la paix et font des interceptions sur route et des enquêtes. Leur mandat est d’assurer la surveillance et le contrôle du transport routier des personnes et des biens, de prévenir et de réprimer les infractions aux lois et règlements régissant l’industrie du transport et toutes autres lois édictées par le gouvernement. Ils veillent à l’application du Code de la sécurité routière et du Code criminel. Le contrôleur routier est également nommé constable spécial en vertu de la Loi sur la police et est soumis à la déontologie policière. Les contrôleurs routiers font en moyenne plus de 100 000 interventions par année, toutes ayant la même caractéristique : celle d’être le fruit du hasard. Ils peuvent avoir à faire face, de façon inopinée, à du transport d’armes, de drogues, d’explosifs, de marchandises volées, ou de contrebande de toutes sortes. Ils sont les seuls agents de la paix ayant le pouvoir, sans mandat, de faire ouvrir tout espace de chargement. Ils sont également les seuls agents de la paix travaillant sur la route à ne pas être armés, au Québec. Le fait d’intercepter des véhicules inopinément, en vue de prévenir et réprimer les infractions, s’accompagne de dangers et de risques. L’avènement des médias sociaux a accentué ces dangers et ces risques, notamment par une hausse des menaces. L’augmentation des armes à feu licites et illicites en circulation et de la violence sous toutes ses formes a également accentué les risques et les dangers. Ils n’ont, à l’heure actuelle, comme seul équipement qu’une veste pare-balles, du poivre de Cayenne et un bâton télescopique. De même, l’accès au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) est limité en ce sens qu’il n’est autorisé qu’à certaines catégories de véhicules, alors que la revendication des contrôleurs routiers à un accès élargi au CRPQ est un véritable enjeu de sécurité. L’existence d’un mandat envers un individu, une information essentielle à leur intervention et à leur sécurité, ne leur est pas accessible alors que le public peut y avoir accès par le biais du plumitif du palais de justice. Dans certaines situations (présence d’armes, facultés affaiblies, vol, menaces, etc.), les contrôleurs doivent demander l’assistance policière. Le temps d’attente avant l’arrivée des policiers, pouvant aller jusqu’à trente (30) minutes, les expose à des risques, n’étant pas suffisamment équipés pour faire face à des situations qui pourraient dégénérer en leur défaveur.
Les recours pendants devant le TAT ont été intentés à la suite de la survenance de plusieurs situations à haut risque, notamment la présence d’armes à feu dans le cadre de leurs fonctions, et visent à obtenir cet accès élargi au CRPQ ainsi qu’à l’arme de service. Plus de douze (12) jours d’audition ont eu lieu jusqu’à présent, en sus de quelques conférences de gestion. Six (6) autres jours d’audition sont encore à prévoir d’ici la fin de l’année 2023. Le dossier est constitué de près de 6000 pages. La Fraternité bénéficie du soutien indéfectible de l’Alliance de la fonction publique du Canada dans ce litige très judiciarisé, mettant en lumière les positions diamétralement opposées des deux ministères principalement concernés, le ministère des Transports, de qui relève Contrôle routier Québec SAAQ (l’employeur), et le ministère de la Sécurité publique. La Fraternité a fait entendre de nombreux témoins ainsi qu’un témoin expert, M. Mario Berniqué, au soutien de ses prétentions. M. Berniqué recommande l’accès élargi au CRPQ ainsi que l’arme de service. En juin 2022, M. Dominic Ricard, alors président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ), a témoigné qu’un accès élargi au CRPQ ainsi qu’à l’arme de service pour les contrôleurs routiers lui apparaissait essentiel lors des interventions de patrouille sur le réseau routier, et ce, au même titre que les policiers. Contrôle routier Québec, s’appuyant sur l’opinion de leur expert, M. Rémi Boivin, recommande uniquement l’accès au Taser. Pour ce faire, une entente devrait obligatoirement être conclue avec le ministère la Sécurité publique, ce dernier étant le seul en autorité pour octroyer l’accès tant au Taser que l’accès à l’arme de service et au CRPQ élargi (dans ce dernier cas, par une entente avec la Sûreté du Québec). Le ministère de la Sécurité publique, représenté par le Procureur général du Québec, s’oppose fermement à la position de l’employeur, ainsi qu’à l’accès élargi au CRPQ et à l’arme de service, revendiqués par la Fraternité. Considérant cette position inflexible, l’employeur soulève avoir épuisé ses moyens aux fins de rencontrer ses obligations en vertu de l’article 51 de la LSST. Cependant, l’impuissance d’agir ne peut constituer un moyen de défense. Cette impasse devra être résolue par une décision du TAT. Le Tribunal devra déterminer s’il y a violation de l’article 51 et, dans l’affirmative, rendre toute ordonnance afin de protéger et d’assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique des contrôleurs routiers.
La LSST a pour objet l’élimination à la source même de dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique de travailleurs. Nul besoin qu’un événement tragique ne survienne pour en assurer son application, y incluant le respect de la volonté législative exprimée à l’article 51.