S’estimant incompris, muselés, voire « sous influence » chez leurs employeurs actuels, les syndicats représentant les agents de protection de la faune et les contrôleurs routiers du Québec demandent au gouvernement d’amorcer des travaux visant à les transférer au ministère de la Sécurité publique.
Les membres de ces deux forces de l’ordre sont considérés comme des agents de la paix au Québec. Ils sont chargés d’appliquer diverses lois et réglementations, notamment de nature criminelle, en plus d’avoir des pouvoirs semblables à ceux des policiers. Ils sont également soumis au Code de déontologie policière.
Les contrôleurs routiers relèvent cependant de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), alors que la Protection de la faune du Québec se trouve dans l’organigramme du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).
Les syndicats représentant ces employés de l’État militent chacun de leur côté, et ce depuis plusieurs années, afin d’obtenir un transfert vers le ministère de la Sécurité publique. Ils sont d’avis qu’ils y trouveraient une culture plus favorable et qu’ils y auraient les coudées franches afin d’appliquer pleinement leurs mandats respectifs.
Les syndicats se sont ainsi présentés devant le comité consultatif sur la réalité policière, en décembre dernier, dans l’espoir de faire pencher la balance une bonne fois pour toutes.
Une recommandation et une reconnaissance
Le dépôt du rapport de ce comité, rendu public la semaine dernière, est venu donner une dose d’espoir. Parmi les 138 recommandations, le comité propose au gouvernement d’entreprendre des chantiers de travail formels sur la gouvernance de ces deux forces dans l’écosystème québécois de la sécurité publique.
Le comité précise qu’il n’avait pas l’expertise nécessaire pour trancher les questions soulevées par les agents de la faune et les contrôleurs routiers. Il prend par contre soin de noter les responsabilités importantes qui leur incombent.
Toute entrave à l’exercice plein et entier de ces professionnels ne peut qu’être dommageable pour les citoyens québécois et leur sécurité, poursuit le document.
Les faits portés [à l’attention du comité] lui ont aussi permis de constater que ces questions sont latentes depuis trop longtemps déjà.
Une citation de :Extrait du rapport du Comité consultatif sur la réalité policière au Québec
Éric Labonté, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec, aurait préféré que le comité soit plus direct et qu’il se range aux arguments avancés lors des consultations. On aurait aimé que le comité donne suite à notre demande d’aller à la Sécurité publique, dit-il en entrevue.
Il se réjouit tout de même du gain obtenu, pour autant que des travaux soient lancés rapidement. C’est le moment ou jamais d’agir et la ministre peut compter sur notre entière collaboration, insiste le président syndical, faisant référence à la titulaire de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
Sous « influence »
M. Labonté a plaidé devant les responsables du comité que les quelque 270 contrôleurs routiers de la province ne sont pas libres d’influence dans l’exercice de leurs fonctions. Sous l’égide de la SAAQ, le syndicat soutient qu’ils doivent parfois fermer les yeux en cas d’infraction criminelle.
L’employeur tente de nous dicter comment et quand nous devons et pouvons intervenir dans les situations de nature criminelle, écrivait la Fraternité dans son mémoire remis lors des consultations.
On fait de l’application de la loi dans une compagnie d’assurances. C’est incompatible.
Une citation de :Éric Labonté, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec
Devant le comité sur la réalité policière, le syndicat avait cité un extrait de la politique interne de la SAAQ. Le contrôleur routier qui, dans l’exercice de ses fonctions, constate une infraction criminelle qui n’est pas énoncée dans son acte de nomination, ne peut agir à titre de constable spécial, peut-on y lire. Il est plutôt encouragé à communiquer avec la centrale pour y dépêcher des policiers.
Éric Labonté déplore également la présence de certaines tolérances dans l’application des lois, notamment sur les poids des véhicules lourds sur certaines infrastructures.
Dans la prochaine année
Au Syndicat des agents de protection de la faune du Québec, on espère que la ministre Geneviève Guilbault donnera suite à la recommandation dans la prochaine année.
Pour son président, Martin Perreault, la tenue d’un chantier de travail permettrait d’aller beaucoup plus en profondeur sur certaines questions. La trentaine de minutes passées devant le comité consultatif l’an dernier, ainsi que le mémoire du syndicat, ont surtout mis la table pour la suite, selon lui.
Les agents de protection de la faune, comme les contrôleurs routiers, jugent que la culture organisationnelle du MFFP ne leur convient pas. Pour M. Perreault, la première étape est de passer à la Sécurité publique.
Discuter de nos problèmes d’application de la loi, ça va être beaucoup plus facile avec un boss qui traite avec des agents de la paix et des policiers, lance-t-il, déplorant un décalage entre la haute direction du ministère et la réalité terrain de la Protection de la faune du Québec.
Comme au syndicat des contrôleurs routiers, le syndicat des agents de la faune estime que certaines infractions criminelles seraient faciles à contraindre, particulièrement en forêt, si les membres avaient davantage de marge de manœuvre dans leurs politiques d’intervention.
Le cabinet de la ministre Geneviève Guilbault ne s’est pas avancé sur les suites à donner à cette recommandation du comité. L’entièreté du rapport sera analysée avec beaucoup d’intérêt au cours des prochaines semaines, mais il est actuellement trop tôt pour se prononcer sur chacune d’entre elles, a déclaré son attachée de presse.
Pour le lien vers l’article de Radio-Canada cliquez ici: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798527/controleurs-routiers-agents-faune-quebec-transfert-ministere-rapport-comite