Le transporteur de bois Pierre-Alexandre Gagnon en a assez que les camionneurs se fassent intercepter pour des absurdités. Ses confrères et lui se disent victimes de moyens de pression de la part des contrôleurs routiers, une situation qui gangrène l’industrie du transport, affirment-ils.
« Habituellement, les contrôleurs prennent la logique du gros bon sens, mais présentement, ils appliquent la réglementation en bas de la tolérance. Un contrôleur m’a expliqué qu’ils font ça pour engorger le système. C’est un moyen de pression contre leur employeur. En bout de ligne, c’est nous autres qui perdons du temps et de l’argent. Ça fera! » rugit M. Gagnon, de Maniwaki, en Outaouais. En guise de comparaison, il mentionne que c’est comme si les policiers arrêtaient les automobilistes qui circulent à 101 km/h sur l’autoroute.

À la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec, le président Éric Labonté souligne que les contrôleurs sont là pour faire respecter la loi afin de protéger tous les usagers de la route et protéger le réseau routier. Il précise toutefois : « Dorénavant, on va appliquer la loi à la lettre ». Lorsque La Terre lui demande si le terme « dorénavant » signifie que le mot d’ordre a été donné par le syndicat d’appliquer des moyens de pression,

M. Labonté répond par la négative, spécifiant que les contrôleurs n’ont pas le droit d’effectuer de moyens de pression ou même d’opter pour la grève. Les doléances des camionneurs ne sont pas justifiées, ajoute-t-il. Ce dernier confirme par contre que les contrôleurs sont en croisade contre leur employeur, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Il dit que des gestionnaires en place font subir du harcèlement psychologique aux contrôleurs et que selon un sondage maison effectué par la Fraternité, 53 % des contrôleurs songent à quitter leur poste. L’organisation syndicale revendique aussi une hausse de salaire pour les contrôleurs.

Contactée par La Terre, la SAAQ se dit en désaccord avec les prétentions syndicales des contrôleurs routiers, comme quoi ceux-ci seraient victimes de harcèlement. « Du point de vue de la SAAQ, le climat de travail est bon. […] Nous avons reçu plusieurs commentaires positifs de contrôleurs routiers à cet effet. […] Quant au résultat du sondage maison du syndicat, nous ne commentons pas celui-ci », écrit le porte-parole Mario Vaillancourt dans un échange de courriels. Ce dernier mentionne que son équipe n’a pas fait d’observation ni reçu de plainte concernant un excès de zèle, tel que décrit par les camionneurs.

Over de 150 kilos

La publication Facebook de Pierre-Alexandre Gagnon, dénonçant les interventions de contrôleurs routiers, est devenue virale sur la toile avec près de 1 500 partages. Il y décrit une scène du 21 juillet lors de laquelle les contrôleurs seraient intervenus pour un chargement en surpoids de 150 kilos. « C’est un de mes chums à la balance de Boucherville. Il était over de 150 kilos. Il a fallu qu’il fasse venir une remorqueuse à 574,43 $ pour lever deux billots et les mettre dans ma remorque. Ça n’a aucun bon sens! On perd trois à quatre heures par intervention de ce genre et c’est considéré comme des heures de conduite. Avant, ils se servaient du gros bon sens et prenaient le poids total, mais là, ils regardent par essieu. C’est de l’acharnement. Surtout que nous autres, les trucks à bois, on se fait charger en forêt. Le terrain n’est pas droit et c’est difficile d’être sur la coche pour le poids », explique à La Terre le propriétaire de Transport P.A. Gagnon. Il raconte qu’une semaine plus tôt, il a dû grimper en haut de son chargement pour couper l’extrémité des billots, car les contrôleurs le retenaient en raison d’une charge excédentaire de 200 kilos.

Plusieurs camionneurs ont ajouté des commentaires à sa publication Facebook. Certains disaient ne pas avoir de problèmes avec les contrôleurs, mais de nombreux autres soulignent par contre des excès de zèle. C’est le cas de Réjean Crépeau, alias « Tortue » dans sa communauté, qui transporte des copeaux de bois avec son camion bi-train. « J’aime mon métier, mais ils sont en train de m’écœurer. J’ai 71 ans et je peux dire que la situation avec les contrôleurs, c’est pire qu’avant », assure M. Crépeau. Il donne l’exemple d’un événement survenu il y a trois semaines, alors qu’il a été intercepté en bordure de route. « Le contrôleur m’a dit que j’avais un pneu de mou et que je n’avais plus le droit de partir. Il a fallu que je fasse venir quelqu’un sur place, un call de service qui m’a coûté 314 $ et ensuite que je paie 246 $ pour faire signer un mandataire [qui authentifie que le pneu a été réparé]. Hey, c’est un pneu double, et j’ai 30 pneus au total. J’aurais pu me rendre en ville et le faire réparer au lieu de payer 560 $. Je lui ai dit qu’il manquait de logique. Il m’a répondu ‘‘Ha, je fais mon travail’’ », rapporte « Tortue ». Ce dernier souligne que les camionneurs ne gagnent pas des fortunes. « On n’est pas syndiqués et on se mange entre nous autres. On ne se tient pas, et les contrôleurs en profitent pour nous manger aussi », dépeint-il.

Pierre-Alexandre Gagnon croit qu’il est temps pour les camionneurs de se tenir debout. Il veut organiser un mouvement de manifestation et bloquer les bureaux des contrôleurs routiers. « Mon téléphone ne fait que sonner depuis que j’ai mis la vidéo sur Facebook. Si personne ne fait rien, ça va être de pire en pire. Il faut que ça arrête, les abus », conclut-il. La SAAQ, par l’entremise de Mario Vaillancourt, rappelle qu’un citoyen ou un camionneur qui croit être victime d’un comportement dérogatoire peut contester l’infraction et s’adresser au capitaine ou au commissaire à la déontologie. « Toutes les plaintes sont analysées et considérées avec rigueur, intégrité et professionnalisme », dit M. Vaillancourt.

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