À Vaudreuil, les impacts de la fermeture du pont de l’Île-aux-Tourtes se feront durement ressentir au cours des prochaines semaines. Pendant que des commerçants craignent de voir leur chiffre d’affaires fondre, à la veille du déconfinement, des résidants s’inquiètent du trafic qui se rabattra sur leur quartier.

« On n’aura plus de tranquillité. Et on ne sait même pas si c’est une question de jours, de semaines, de mois. La congestion se déplace dans nos rues résidentielles. Ça pollue, ça fait beaucoup de bruit, et ça devient difficile pour nous de nous déplacer », dit Christiane Theoret, résidante de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Habitant près de l’autoroute 20 – sur laquelle de nombreux camions et véhicules se rabattent depuis la fermeture du pont de l’A40 –, Mme Theoret dit constater de grands changements. « Depuis 7 h ce matin [vendredi], c’est complètement bloqué, alors que normalement, notre rue est très calme. On va presque devoir se fixer des heures où il n’y a pas de bouchon pour sortir faire nos courses », soupire-t-elle.

Vendredi, la Sûreté du Québec a affecté des patrouilleurs au contrôle routier sur les deux rives, dont certains à moto, pour gérer le trafic et « s’assurer d’éviter le plus de congestion possible ». L’objectif était justement d’éviter autant que possible d’engorger le réseau local.

Près du pont, le propriétaire du Souvlaki Bar du boulevard de la Cité-des-Jeunes, Themi Sotiropoulos, estime qu’il perdra jusqu’à 40 % de ses revenus pendant les travaux. « L’autoroute est fermée, donc les gens ne viendront pas jusqu’ici pour prendre un café et ensuite refaire le détour. Ça tue un peu la vibe », dit-il.

Ce dont j’ai peur, c’est que du lundi au jeudi, parce que les gens vont revenir chez eux plus tard, on va être vides alors qu’on pourra commencer à ouvrir nos terrasses. On a eu la COVID-19 pendant un an et maintenant, il y a ça.

Themi Sotiropoulos, propriétaire du Souvlaki Bar

« La vérité, c’est que ce pont, ç’a toujours été un problème. L’hiver, il y a toujours des accidents parce qu’il y a juste une voie. On se demande ce qu’ils attendaient pour faire une différence », ajoute M. Sotiropoulos.

« Ça change le décor »
Pour Federico-Paiva Gonzalez, résidant de la rue des Saules à Vaudreuil-Dorion, la réalité est que l’ouest de Montréal est l’un des secteurs les plus négligés, en matière d’investissements, de l’île de Montréal. « Mon père a travaillé sur ce pont il y a plus de 15 ans et déjà à l’époque, il me disait que le pont devait être remplacé », lance-t-il, en déplorant que le gouvernement « dorme au gaz ».

Non loin de là, rue Tresler, Johanne Goulet est du même avis. « C’est sûr qu’on se pose des questions. Ils n’y allaient pas toutes les semaines pour vérifier le pont. Puis là, c’est l’urgence. Ça prendrait probablement plus de prévention à l’avenir », dit cette propriétaire d’un salon de toilettage pour animaux, alors que la congestion s’accumule devant son commerce.

« Ça change le décor, c’est juste dommage. Jeudi, je me suis couchée à minuit et il y avait encore plein de camions dans la rue. Ce n’est plus la même réalité », ajoute Mme Goulet. « Il va falloir qu’on s’ajuste. Disons que ma clientèle va souvent être en retard », avoue-t-elle au passage, en ouvrant la porte à Viviane Laniel, l’une de ses fidèles clientes.

Pas de « suivi sérieux »
Le président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (FCCRQ), Éric Labonté, déplore que le ministère des Transports (MTQ) n’ait pas eu recours à des services de contrôle routier autour du pont de l’Île-aux-Tourtes dans les dernières années. « On voit bien aujourd’hui qu’il y avait un grave problème qu’on aurait fort probablement pu prévenir avec plus de contrôle. Ça ne fait aucun doute pour nous », dit-il.

Qu’on en arrive à devoir fermer d’urgence une infrastructure aussi stratégique pour le Grand Montréal, sans échéancier de réouverture, c’est désolant.

Éric Labonté, président de la FCCRQ

À ses yeux, le gouvernement ne semble pas comprendre que les infrastructures, « on doit les entretenir, mais aussi les protéger contre les transporteurs qui ne respectent pas les limites de poids permises ou qui les détériorent impunément ».

Exo, de son côté, a annoncé vendredi une série d’ajustements à son service, qui sera offert gratuitement sur la ligne exo1 Vaudreuil-Hudson, et ce, « jusqu’à la fin des travaux » sur le pont. Toutes les lignes du secteur La Presqu’Île seront également gratuites. « On a un long week-end en vue. Il y a aussi beaucoup de gens en télétravail, donc les effets réels de la gratuité pourraient plutôt se percevoir en totalité la semaine prochaine, dès mardi », précise toutefois une porte-parole d’exo, Catherine Maurice.

À la gare de Vaudreuil-Dorion en fin de matinée vendredi, José, un résidant croisé par La Presse, était l’un des seuls à attendre sur le quai, après une heure de pointe achalandée. « Les autres sont tous déjà partis plus tôt, c’est normal, mais en même temps, si le pont est fermé, ils devraient mettre plus de trains tout au long de la matinée », juge ce travailleur d’entrepôt. Jeudi, il dit avoir mis près de quatre heures pour rentrer chez lui en voiture à Vaudreuil à partir de Baie-D’Urfé. « À partir de maintenant, je vais prendre le train. C’est l’enfer, la congestion, en ce moment, avec la fermeture du pont », conclut-il.

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